CONFERENCE DES BATONNIERS DE LA REPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

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DISCOURS MORAL PRONONCÉ A LA 18ème CONFÉRENCE DES BÂTONNIERS

Par

Monsieur le Bâtonnier National

Michel SHEBELE MAKOBA

KINSHASA 2024

DISCOURS MORAL PRONONCÉ A LA 18ème CONFÉRENCE DES BÂTONNIERS PAR MONSIEUR LE BÂTONNIER NATIONAL 

  • Messieurs les Bâtonniers Nationaux honoraires ;
  • Messieurs les membres du Conseil National de l'Ordre ;
  • Madame et messieurs les Bâtonniers ;
  • Madame et messieurs les Bâtonniers honoraires ;
  • Monsieur le Secrétaire Général de la Conférence des Bâtonniers et Cher Bâtonnier ;
  • Mesdames et messieurs les membres des différents Conseils de l'Ordre ;
  • Mesdames et messieurs les avocats, mes chers confrères.

Je tiens à saluer la présence de chacune et de chacun d’entre vous en ce lieu.

 Comme vous le savez, la 18ème Conférence des Bâtonniers et l’assemblée générale ordinaire de l’Ordre National des Avocats de cette année auraient dû se tenir à Bukavu dans le ressort du barreau du Sud-Kivu où elles étaient, du reste, régulièrement convoquées conformément à notre dernière résolution prise à Moanda.

Cependant, et pour des raisons indépendantes de notre volonté commune, nos assises ont été délocalisées de Bukavu à Kinshasa dans ce site du Centre International des Conférences Venus Village de la N'sele.

Je me permets ici, de saluer l’esprit à la fois de grande compréhension et de grande sportivité du Bâtonnier du barreau du Sud Kivu et de ses membres du Conseil de l’Ordre, qui nonobstant, la délocalisation pratiquement en dernière minute de la tenue de ces assises, ont effectué le déplacement de Bukavu à Kinshasa pour y participer.

Ceci démontre et prouve à suffisance que nos barreaux demeurent unis et c’est l’essentiel.

Par la même occasion, je remercie vivement les Bâtonniers des barreaux de Kinshasa/Gombe et de Kinshasa/Matete pour leur implication dans l’organisation et la réussite de ces assises ici à Kinshasa.

Mesdames et Messieurs les membres de la conférence des Bâtonniers et de l’assemblée générale de l’Ordre national des Avocats, votre présence ainsi que votre disponibilité en ce lieu, témoignent de l’attachement que vous portez aux activités de l’Ordre National des Avocats et surtout de l’intérêt que vous ne cessez de manifester à la cause du barreau congolais.

Soyez-en tous félicités et remerciés.

Demain, se tiendra l’Assemblée Générale Ordinaire de l’Ordre National des Avocats au cours de laquelle, je me ferai le devoir de vous présenter mon rapport d’activités.

Aujourd’hui, c’est plutôt la tenue de la conférence des Bâtonniers dont les points inscrits à l’ordre du jour vous ont été préalablement communiqués, sans préjudice d’autres points qui auraient été ajoutés, toujours dans l'intérêt de notre chère profession.

Pour mémoire, la conférence des Bâtonniers est une structure instaurée au sein de l’Ordre National des Avocats par la décision n°CNO/RIC/001 du 8 avril 2008 et qui a pour finalité :

  • d’assurer la cohésion entre les différents barreaux du pays ;
  • de délibérer sur toutes les questions d’intérêt commun aux avocats ou touchant au droit et à la justice ;
  • de délibérer et de se prononcer sur toute question d’ordre politique, social, économique ou juridique touchant à l’avenir ou au devenir de la nation congolaise, notamment en proposant les réformes jugées nécessaires en toutes matières et en formulant des observations sur toutes les réformes entreprises au niveau législatif, exécutif ou judiciaire.

A cette 18ème conférence des Bâtonniers, vous me permettrez de partager avec vous, cet avant-midi, quelques inquiétudes portant sur l’exercice et l’avenir de notre profession en abordant, au choix, divers points qui ont retenu mon attention sans avoir la prétention d’épuiser la matière. Il vous revient aussi d’en examiner d’autres.

En effet, le 21ème siècle, loin d’être ce siècle de lumière, est un siècle où le monde est plutôt en mutation autant le droit est aussi en mutation, et que les règles qui régissent notre profession d’avocat devraient également l’être sans pour autant entamer les fondamentaux qui constituent l’essence même de notre profession que sont les devoirs de défense, d’indépendance, de probité, de loyauté, de confraternité, de dignité, du secret professionnel pour ne citer que ceux-là.

Il s’agit d’un siècle où le numérique et l’intelligence artificielle dominent le monde.

À ce jour, certains logiciels (ou applications) et certains algorithmes, dans le cadre de l’intelligence artificielle, sont capables de répondre aux préoccupations juridiques de nos clients et de leur fournir des réponses adéquates et appropriées sans l’intervention de l’avocat.

Par exemple, aux Etats-Unis, un modèle d’intelligence artificielle dénommé GPT-4 a réussi à l’examen d’entrée au barreau, un modèle d’intelligence artificielle qui peut même surpasser la plupart des diplômes des facultés de droit (Score obtenu : 297 points, cas rapporté par l’article de Nancy REY, expert éminent Sénior, Entreprise de Technologie juridique Casetext).

Dans un autre cas de test de détection de problèmes juridiques, vingt (20) avocats expérimentés ont été battus par un algorithme.

Il est clair que l’intelligence artificielle peut sérieusement rivaliser avec les avocats, de sorte que le danger est réel pour l’avenir de notre profession car, il faut le reconnaître, l’intelligence artificielle constitue une menace réelle pour notre profession.

Dans le même contexte du numérique, une certaine catégorie de la clientèle, généralement constituée des multinationales, va plus loin pour exiger des avocats une sécurité fiable du système informatique de leurs cabinets afin de voir toutes les informations ou données personnelles leur  confiées par voie électronique être sécurisées contre les éventuels « hackers », dans le cadre de la cybercriminalité, pouvant réussir à s’introduire dans un appareil, un système ou un réseau informatique et éventuellement à le détourner.

Cette sécurité informatique exigée et, du reste, justifiée, peut donc permettre à l’avocat d’accéder à une telle catégorie de la clientèle.

Le numérique ! Cette évolution technologique pourra incontestablement faciliter notre travail. Tel est le cas au barreau du Nord-Kivu avec sa décision qui permet aux avocats d’échanger les pièces et conclusions par voie électronique voire même de signifier les exploits du Conseil de l'Ordre.

Il en est de même au Conseil National de l'Ordre où des exploits sont notifiés, dans certains cas, par voie électronique à l’instar de ce qui se fait à la CCJA.

A ce jour, le cas de la loi n°23/061 du 10 décembre 2023 modifiant et complétant la loi n°002/2001 du 3 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce qui prévoit en son article 22 alinéa 3 la possibilité de signification de la procédure au défendeur et au ministère public par voie électronique.

Ne soyons donc pas réfractaires à l’évolution technologique et ne regardons pas passer le train du numérique. Prenons place à bord de ce train et avançons. Nous sommes appelés à apprendre cette nouvelle technologie et à la domestiquer pour en tirer le meilleur résultat à notre profit.

Ce qui est moderne dans l’exercice de la profession d’avocat doit nous intéresser afin d’éviter l’archaïsme qui caractérise certaines de nos règles et notre manière de travailler au quotidien.

Par exemple, je constate que dans certains barreaux, la tenue des assemblées générales avec l’appel nominal et le vote lui même prennent des jours et des nuits, un appel nominal et un vote sans fin.

Pourquoi ne pas instaurer par voie réglementaire dans chaque barreau le système du vote électronique en s’assurant de sa fiabilité, quitte à acquérir le matériel approprié ?

Nous pouvons faire un effort pour profiter des bienfaits et de toutes les avancées des nouvelles technologies de l'information et de communication qui sont des technologies numériques pendant ce siècle du numérique qui constituent une opportunité qui nous est offerte et dont nous devons tirer tous les avantages possibles pour améliorer notre façon de travailler nonobstant les aléas inhérents à des facteurs du genre coupures intempestives de courant, manque de signal de l’internet et autres.

Néanmoins, en ce qui concerne les réseaux sociaux « TIK-TOK, WHATSAPP, TWITTER, INSTAGRAM, et autres, en tant qu’avocats, prenons la précaution d’en user avec prudence car les méfaits sont parfois graves et néfastes pouvant amener l’avocat à engager sa propre responsabilité et entrainer des sanctions soit pénales soit disciplinaires. Faisons donc très attention quant à ce.

Je me permets aussi d’aborder la question des grandes structures des cabinets d’avocats étrangers qui commencent à envahir l’Afrique, de manière générale, et notre pays, de manière particulière.

Les cabinets d’avocats congolais sont-ils à mesure de résister et de faire face à un tel envahissement ?

La réponse est oui, mais il nous faut toute une autre organisation dans l’avenir et une autre manière d’exercer la profession d’avocat dans notre pays.

En effet, il nous faut une formation rigoureuse et continue pour être compétitifs dans ce monde en mutation non seulement dans les matières de droit, dont le droit OHADA certes, mais aussi dans d’autres matières de droit tels que le droit numérique, le droit minier, le droit fiscal mais également dans le domaine de l’informatique car le numérique et l’intelligence artificielle dont les logiciels et les algorithmes sont du domaine de l’informatique et de l’électronique.

À ce jour, il est fort regrettable et malheureux de constater que certains confrères exercent plutôt leur profession presque sous le manguier, sans domicile professionnel fixe, errant ici et là, tantôt devant les portes des prisons, tantôt dans les couloirs des Palais de justice, et ce, en vue du racolage de la clientèle pour leur survie. Cette façon d’exercer la profession d’avocat ne peut nullement contribuer ni au progrès ni à l’excellence.

Le moment n’est-il pas indiqué à penser à des grands ensembles, à des grandes structures des cabinets d’avocats congolais pour faire face à un tel envahissement afin de lutter à armes égales, tout en investissant dans les nouvelles technologies de communication et de l’information qui sont les outils souvent utilisés par lesdites grandes structures des cabinets d’avocats étrangers qui envahissent l’Afrique ?

Il faut, à ce sujet, rappeler que les cabinets d’avocats sont soit ceux du propriétaire avec ses collaborateurs ou ses associés, soit ceux constitués en sociétés civiles ou même en cabinets regroupés, et nullement en sociétés commerciales immatriculées au RCCM. Je vous invite, madame et messieurs les Bâtonniers, à demander à tous les avocats de vos ressorts respectifs dont les cabinets sont constitués en sociétés commerciales de revenir aux prescrits de l’ordonnance –loi et du RIC qui régissent la profession d’avocat dans notre pays et, à défaut, à les traduire au disciplinaire en agissant comme de droit.

Revenant aux outils de travail, il est, une fois encore, malheureux de constater que pour certains de nos confrères, la manipulation d’un ordinateur relève de l’extraordinaire et pour eux, celui-ci n’est même pas un outil de travail. Ils préfèrent travailler à l’ancienne.

Se connecter à un webinaire c’est-à-dire à un séminaire dont les participants communiquent à distance via internet et participer aux séances de travail en visio-conférence en se connectant sur un lien constituent pour eux tout un souci alors que tous ces moyens de communication et d’information sont à notre portée pour améliorer notre façon de travailler et affronter le monde des affaires avec assurance et sérénité face à la rude concurrence.

Répondre aux questions de droit posées par les clients et donner des avis juridiques en ligne ne relèvent pas de leurs habitudes.

Plus grave encore, d’autres confrères deviennent, sans gêne, « des sous-traitants » au service des cabinets d’avocats étrangers et rémunérés par ces derniers au lieu d’exiger d’être des conseils des clients concernés sur le territoire congolais. Où allons-nous ?

Il est temps et urgent que nous puissions nous ressaisir et nous réorganiser pour la survie de notre profession car l’une des grandes options prises en 1979 était justement celle de privilégier l’exercice de la profession d’avocat par les nationaux sur le territoire congolais sans pour autant exclure les étrangers mais à certaines conditions.

En ce qui concerne particulièrement les avocats stagiaires et sur le plan déontologique, je constate que certains d’entre eux sont bien formés, d’autres le sont moins et d’autres encore ne le sont pas du tout.           

Les différents barreaux devraient se pencher sur cette situation en vue d’assurer une meilleure formation aux impétrants qui arrivent au barreau et leur garantir un minimum acceptable des conditions de travail et de leur rémunération car, dit-on, la forêt de demain, ce sont les jeunes pousses d’arbres d’aujourd’hui.

C’est aussi ici l’occasion d’alerter les différents barreaux sur les admissions en masse qui peuvent, demain, se révéler et devenir très nuisibles à la profession car plusieurs avocats dans certains barreaux sont devenus incontrôlables et échappent à l’autorité des organes ordinaux de leurs barreaux d’origine.

Comment décider de l’admission à la liste de stage d’un candidat lorsque la commission d’admission ne se donne même pas la peine de visiter le local où il sera hébergé ?

Que dire des patrons de stage qui ne parrainent les candidats que sur papier et qui n’assurent aucun suivi de leurs avocats stagiaires qui sont censés être sous leur direction ?

Faut-il à long terme, envisager la création d’une école du barreau au sein de laquelle quelques formateurs des différents barreaux seraient désignés en vue d’assurer la formation efficiente aux avocats stagiaires sur le plan déontologique avec des modules de base communs à tous les barreaux ?

Cette piste pourrait-elle être exploitée dans l’avenir afin de garantir la même qualité de formation dans les différents barreaux ? Car, ne forme correctement les autres que celui qui est lui-même bien formé et surtout que nos différents barreaux n’ont pas la même taille.  

Cette situation d’avocats incontrôlés conduit, et c’est le cas ces derniers temps, à constater que les avocats sont régulièrement arrêtés à tort ou à raison, dans les différents ressorts de nos barreaux et surtout dans la ville de Kinshasa où il y a une forte concentration d’avocats pour une raison ou une autre.

Les organes ordinaux devraient se pencher sur cet aspect de la situation afin d’examiner les vraies causes et de dégager des voies et moyens de protection de nos avocats mais aussi et avant tout, des moyens de sensibilisation de ces derniers sur la manière d’agir et de se comporter en toute circonstance au-delà même du cadre de l’exercice de la profession c’est-à-dire dans la vie privée de chaque jour.   

Il y a quelques années, il était rare d’apprendre qu’un avocat était arrêté. Tel n’est plus le cas aujourd’hui où les arrestations d’avocats sont devenues les plus fréquentes. On ne se réveille plus un matin sans apprendre qu’un avocat a été arrêté.

Nous devons chercher à comprendre les causes de ce phénomène qui ne cesse de ternir l’image de notre corps et de nous questionner sur le pourquoi de tant d’arrestations ? Les mœurs ont-elles changé au barreau ? Les avocats seraient-ils victimes de la mauvaise foi ou des mauvaises habitudes de ceux qui les arrêtent ?

C’est ici l’occasion pour moi, de saluer la solidarité manifestée par les avocats des différentes associations d’avocats de nos barreaux qui assurent la défense de leurs confrères arrêtés, de manière bénévole et dévouée, sans pour autant empiéter sur les prérogatives des organes ordinaux. Je vous prie de leur transmettre mes sincères remerciements pour ce devoir de solidarité et surtout pour ce devoir d’humanité car ils consacrent une partie de leur temps à la cause des autres.

Vous allez, en atelier, examiner les points inscrits à l’ordre du jour pour formuler certaines recommandations au Conseil National de l'Ordre qui pourra, le cas échéant, les couler en décisions dans l'intérêt supérieur de la profession.

 C’est de cette façon que le Conseil National de l'Ordre fait participer à la prise de décisions les représentants de tous nos barreaux.

C’est ici l’occasion de vous exprimer ma joie de constater que dans l’ensemble, les barreaux se portent bien et le calme y règne, signe que les barreaux ont pris un autre élan.

J’en appelle donc à la solidarité de tous et à la paix dans nos barreaux, et je reste toujours ouvert à tout appel ou toute sollicitation pour un quelconque souci de fonctionnement de nos barreaux car comme vous l’aurez constaté, j’ai toujours pris le temps de vous écouter même au téléphone en cas d’appel.

Dans ce cadre, je voudrais vous inviter, Madame et Messieurs les Bâtonniers, à attirer l’attention des avocats à respecter l’autorité des Bâtonniers et des membres des Conseils de l'Ordre des différents barreaux et ce, même par voie de vos circulaires, à défaut d’un message au cours d’une assemblée générale.

En effet, beaucoup d’avocats se permettent de passer outre l’autorité de leur Bâtonnier du barreau d’appartenance pour s’adresser directement au Bâtonnier National en lui soumettant leurs préoccupations et leurs plaintes.

De manière systématique, et croyez-moi, ces avocats sont invités à s’adresser à leurs Bâtonniers respectifs car j’entends faire respecter l’autorité des Bâtonniers.

Il est donc urgent et important de rappeler aux avocats le respect de l’autorité ordinale dans le ressort de chaque barreau afin d’affirmer davantage l’autonomie des barreaux et surtout l’autorité de chaque Bâtonnier dans la sphère de ses compétences dans son ressort et de rappeler aux avocats que le Bâtonnier National ne gère pas les barreaux, lui qui a toujours, depuis des années, lutté contre l’interférence et l’ingérence dans les affaires de chaque barreau.

Dans le même contexte, il est important de rappeler à tous les avocats de respecter toute autorité ordinale même si celle-ci n’est pas de leur barreau car, ces derniers temps, certains avocats se permettent de ne respecter que le Bâtonnier et les membres du Conseil de l'Ordre de leur barreau d’appartenance, ce qui est fort dommage et inacceptable.

Et même au prétoire, certains confrères ne manquent pas, parfois, de tenir des propos qui frisent l’indécence voire le manque de respect même quand ils s’adressent à un Bâtonnier, ce qui décourage beaucoup d’anciens d’aller aux audiences avec comme conséquence que certaines audiences se déroulent sans ceux qui ont l’expérience des plaidoiries afin d’inspirer les nouveaux venus et leur apprendre l’art oratoire du prétoire et du palais.

Il est temps de moraliser les avocats car demain, il sera déjà tard, l’autorité ordinale manquera d’inspirer même la simple crainte révérencielle.

Il est aussi important que les plaintes reçues par les différents barreaux connaissent leur suite, favorable ou non, afin de ne pas donner aux plaignants de mauvaise foi l’impression de croire que l’examen des plaintes est gelé.

A mon humble avis, la discipline au barreau demeure le seul moyen capable de lutter efficacement contre les anti-valeurs et les différentes violations de l’éthique professionnelle par les avocats.

A titre purement indicatif, il y a des avocats qui ne tiennent à plaider leurs affaires qu’à la première audience, que celles-ci soient d’urgence ou non et souvent en complicité avec les membres de la composition du siège de la juridiction et ce, à l’insu de leurs contradicteurs.

Qu’est ce qui peut véritablement, selon vous, expliquer un tel comportement sinon que ces avocats n’ont aucun égard à l’autorité du Bâtonnier du ressort dans lequel ils prestent ?

En réalité et dès lors qu’ils ne craignent rien, ils se permettent tout. Ils préfèrent tuer l’honneur professionnel dû au Bâtonnier du ressort et faire triompher la honte de leur comportement car si ces avocats respectaient réellement l’autorité du Bâtonnier du ressort, ils réfléchiraient deux fois avant d’agir au prétoire et surtout avant de poser des actes dans le ressort concerné.

Il faut que chaque avocat, lorsqu’il pose un acte professionnel irrégulier dans le ressort d’un barreau ou dans le ressort de son barreau d’appartenance, ou même lorsqu’il se comporte dans sa vie privée en commettant des faits constitutifs de matière à scandale, ait à l’esprit la crainte de l’autorité ordinale du Bâtonnier.

Dans le passé, qui d’entre nous n’a pas craint l’autorité de son Bâtonnier quand il a cherché à déraper ou à s’écarter de la ligne de l’éthique professionnelle ?  

Pour ces raisons, je suis d’avis qu’il faudrait arriver un jour à modifier le règlement intérieur cadre des barreaux de notre pays spécialement en son article 67 point 2 pour que le barreau de la commission des faits soit le seul compétent, que l’avocat soit ou non dans le ressort afin de décourager ce genre de comportement.

De même, j’ai constaté qu’à ce jour, les dispositions de l’article 89 de l’ordonnance loi portant organisation du barreau ne suffisent plus à dissuader les avocats quant à la commission des fautes au prétoire, en ce que cet article dispose : « toute faute ou manquement commis à l’audience par un avocat fera l’objet d’un procès-verbal dressé par le greffier à la demande du Président de l’audience. Ce procès-verbal sera transmis sans délai au Bâtonnier et au Procureur Général qui en saisiront le Conseil de l'Ordre ».

En effet, au prétoire, se commettent des fautes au quotidien sans que cette disposition ne produise ses effets, les juges renvoyant toujours toute question déontologique à l’autorité ordinale sans même faire acter la faute commise par l’avocat au plumitif de l’audience.

Ne faut-il pas envisager et préconiser une autre solution qui permettrait, par exemple, aux membres des différents Conseils de l'Ordre, dans chaque ressort compte tenu du nombre toujours croissant d’avocats dans le pays, de procéder régulièrement à l’inspection du déroulement des audiences, en ce qui concerne les avocats , devant les Cours et Tribunaux afin de relever et de constater les fautes quotidiennes et de les porter à la connaissance de l’autorité ordinale compétente pour disposition dans le but ne fût-ce que de dissuader certains de nos membres qui se comportent comme si sur leurs épaules ne pèse aucune règle éthique.

Une telle inspection régulière se ferait en étroite collaboration avec chaque chef de juridiction, ce qui permettrait une coordination et un suivi permanents car les avocats croient exercer leur profession loin des yeux de l’autorité ordinale et se sentent, par conséquent, être à l’abri de toute poursuite disciplinaire, l’autorité ordinale ne pouvant rien savoir.

Ce sont donc tous ces maux qui doivent être combattus.

Avant de clore mon propos, je voudrais, une fois de plus, rappeler à chacune et à chacun de nous que le barreau n’est pas un « dépotoir » dans lequel tout le monde vient se déverser soit par manque d’emploi soit par simple besoin d’obtenir le titre et la seule qualité d’avocat sans exercice effectif de la profession d’avocat, de sorte qu’à ce jour, les cas d’incompatibilité sont légion.

Il ne faut pas que demain, nous puissions le regretter car nous aurons été nous même à la base de la destruction de notre propre profession. C’est d’abord et avant tout le travail de chaque Bâtonnier et de son Conseil de l'Ordre dans le ressort de chaque barreau. Payer sa cotisation ne suffit pas, faut-il encore exercer effectivement la profession ? L’article 32 de l’ordonnance-loi portant organisation du barreau est très clair sur les causes d’omission.

Agissons maintenant pour mettre de l’ordre dans les ressorts de nos barreaux, et luttons efficacement contre les pratiques qui tuent le bon exercice de la profession dans notre pays. N’hésitez pas à procéder au toilettage des tableaux de vos barreaux qui sont inutilement surchargés d’avocats qui n’exercent pas effectivement leur profession et qui ne connaissent même pas, d’ailleurs, leurs autorités ordinales.

Il en est de même de cette question récurrente d’admission des étrangers au barreau congolais au regard de l'état actuel de la législation toujours en vigueur, question pour laquelle, je ne cesse de demander aux différents barreaux de respecter rigoureusement les prescrits de l’article 7 de l’ordonnance-loi portant organisation du barreau et d’éviter de tomber dans les travers.

Brader les admissions au barreau même en recevant les candidats ou impétrants que la loi actuelle n’accepte pas ou n’accepte que moyennant certaines conditions, n’honore nullement le barreau congolais car ailleurs et dans nombreux pays du monde, l’admission au barreau relève toujours du domaine de la loi aux conditions prévues par celle-ci qui ne sont pas négociables pour quel que motif que ce soit.

 Pour ma part, il n’est pas encore tard de corriger et de revoir ce qui a été mal fait car les droits acquis ne peuvent pas se concevoir là où il y a fraude à la loi qui corrompt tout, et comme dit une sagesse, il n’est jamais tard pour bien faire les choses.

Madame et messieurs les Bâtonniers, ne perdez jamais de vue que l’honneur pour les autorités ordinales est une charge.

C’est de cette façon que dans la magistrature, tous ceux qui ne remplissaient pas les conditions d’entrée ont quitté le corps alors que certains d’entre eux avaient même une ancienneté de plus de trente (30) ans de métier comme magistrats.

À tout moment, et en cas de fraude à la loi, tout peut être corrigé.

La position de l’Ordre National des Avocats à ce sujet est bien connue en ce que les étrangers ne peuvent être admis au barreau congolais que sous condition de réciprocité entendue législative entre Etats, et non par voie de convention de jumelage entre barreaux, ou encore en vertu d’une convention internationale (Voy. Article 7 de l’O-L sur le barreau).

Quant aux seuls avocats étrangers admis sous l’empire de l’Ordonnance-Loi de 1968, ceux-ci exercent leur profession sans justifier d’une quelconque réciprocité et encore moins d’une convention internationale. (Voy. Article 154 de l’O-L sur le barreau).

Que dire de la question de paiement d’impôts par les avocats   qui devient un problème très sérieux ?

Il me paraît indiqué de constituer une commission ad hoc afin de dégager et de préparer d’abord les arguments qui pourraient militer en faveur de l’allégement de ce paiement ou de trouver des modalités de paiement plus adéquates et moins coûteuses pour l’avocat avant d’en discuter avec toutes les autorités compétentes de ce secteur.

Il faut noter que certaines sociétés commerciales ne confient leurs dossiers qu’aux seuls avocats qui paient les impôts, ce qui rend cette obligation légale incontournable et pour laquelle, il faut absolument trouver une solution idoine.

Après avoir suivi tout mon propos, qui a été peut-être un peu long, je tiens à vous rassurer que mon but n’est pas de présenter un tableau apocalyptique de l’avenir de notre profession mais plutôt de vous alerter sur certains dangers qui guettent l’exercice et l’avenir de notre profession afin, qu’ensemble, la main dans la main, nous puissions prendre des dispositions et des précautions utiles car il s’agit d’intérêts communs de notre cher métier.

Pour terminer, je profite de cette tribune pour dire au barreau de Kinshasa/Gombe, à son Bâtonnier et à ses membres du Conseil de l’ordre, aux noms de tous les avocats qui ont reçu la médaille d’or et le brevet du mérite civique, un grand merci, et encore merci, pour cet honneur mérité.

Que vive la 18ème conférence des Bâtonniers.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

 

Kinshasa, le 25 mars 2024.

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