ALLOCUTION PRONONCÉE A LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Thème : LE RECRUTEMENT DES CONSEILLERS RÉFÉRENDAIRES : UNE NÉCESSITÉ POUR UNE CONTRIBUTION SIGNIFICATIVE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX PORTE DEVANT LA COUR CONSTITUTIONNELLE.
J’ai l’honneur de prendre la parole en ce moment au nom de l’Ordre National des avocats à l’occasion de cette rentrée solennelle conformément à l’article 100 du règlement intérieur du 10 août 2018 de la Cour, celle-ci ayant lieu le premier samedi de la deuxième quinzaine du mois d’octobre de chaque année.
Pour cette rentrée judiciaire, j’ai jugé utile d’aborder la question du RECRUTEMENT DES CONSEILLERS RÉFÉRENDAIRES : UNE NÉCESSITÉ POUR UNE CONTRIBUTION SIGNIFICATIVE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX PORTÉ DEVANT LA COUR CONSTITUTIONNELLE.
Tel est le sujet de ce jour.
En effet, de par la volonté du constituant, la Cour Constitutionnelle comprend neuf (9) membres qui sont des magistrats particuliers par leurs compétences, leurs qualifications et leurs modes de désignation.
Il est évident qu’il s’agit des juges compétents, qualifiés et expérimentés, dont le travail est immense et laborieux.
A titre purement indicatif, et en ne retenant que le seul contentieux électoral législatif dans un passé très récent, il s’est agi d’un millier des recours à examiner.
Renseignements pris au greffe électoral de la Cour, il avait été enrôlé, en 2018, 1.168 requêtes, ce qui a entrainé des jours et des nuits de travail avec un délai légal contraignant, de sorte que la Cour Constitutionnelle a mis du temps pour clôturer ledit contentieux.
Il est ainsi acquis que les neuf (9) juges à la Cour Constitutionnelle ont travaillé et travaillent parfois au-delà de leurs forces physiques avec toutes les limites inhérentes à la vie humaine.
Ainsi, et pour épauler les neuf (9) juges dans l’étude et la préparation technique des dossiers, le législateur congolais a-t-il créé au sein de la Cour, un corps de conseillers référendaires placé sous l’autorité de son Président dont le nombre ne peut dépasser soixante (60) suivant les prescrits des articles 20 et 21 de la loi organique no 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
Cette loi organique a été complétée par l’ordonnance n°16/070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour Constitutionnelle ainsi que par le règlement intérieur de la Cour du 10 août 2018, règlement pris en vertu de l’article 41 de ladite loi organique.
De ces deux textes et du règlement intérieur de la Cour, il ressort que les conseillers référendaires ont une mission particulière et indispensable en ce qu’ils assistent les membres de la Cour Constitutionnelle dans l’étude et la préparation technique des dossiers auxquels ils sont associés.
A ce titre, ils effectuent des recherches documentaires, étudient les dossiers qui leur sont soumis et rédigent des rapports relatant succinctement les faits de la cause, l’état de la procédure suivie, les moyens des requérants, ainsi que d’éventuelles fins de non-recevoir opposées par d’autres parties à la cause et proposent des notes juridiques aux juges responsables de traitement desdits dossiers.
Ils peuvent, sur décision de la cour, être associés à des enquêtes ou à des instructions menées par les membres de la Cour Constitutionnelle.
Ils font rapport de l’exécution de leur mission à la Cour Constitutionnelle.
L’article 26 du règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle reprend presque les mêmes missions à savoir que, les Conseillers référendaires contribuent à l’étude et à la préparation technique des dossiers dont la Cour est saisie. Ils font des rapports, notes juridiques et autres projets d’arrêts à soumettre aux juges avant leur examen et adoption en plénière. Ils travaillent sous l’autorité directe du Président de la Cour Constitutionnelle, qui le cas échéant, peut les rattacher aux cabinets des juges après concertation avec les autres membres de la Cour. Ils peuvent être désignés par le Président pour assister les juges chargés du service de documentation et d’études.
De la lecture combinée des dispositions légales et réglementaires précitées, il se dégage que les Conseillers référendaires sont des véritables assistants chargés judiciairement d’épauler les neuf (9) juges à la Cour Constitutionnelle dans l’étude des dossiers voire dans l’apprêt des projets d’arrêts, de sorte que, de par la loi, la mission des Conseillers référendaires est véritablement une mission juridictionnelle.
Les conseillers référendaires ne sont pas à confondre avec les membres des cabinets des juges à la Cour Constitutionnelle, nonobstant le fait qu’à l’article 34 du règlement intérieur de la Cour, il est prévu que les membres des cabinets des juges remplissent mutatis mutandis un rôle similaire à celui des conseillers référendaires devant la Cour Constitutionnelle et qu’à ce titre, les membres des cabinets des juges préparent, sous la supervision de chaque juge, les rapports, notes juridiques et projets d’arrêts relatifs aux dossiers soumis à ce dernier par le Président de la Cour. Ils préparent également les observations sur les dossiers traités par les autres juges.
L’existence d’une telle disposition réglementaire ne peut, malgré tout, justifier la non-installation d’un corps que la loi elle-même a créé au sein de la Cour avec une mission précise.
En même temps, j’ai oui dire que d’aucuns s’interrogent, dès lors que le rôle des membres des cabinets des juges à la Cour Constitutionnelle est mutatis mutandis similaire à celui des conseillers référendaires, pour savoir si un tel rôle ne serait pas concurrent à celui assigné au corps des conseillers référendaires par le législateur. A mon avis, une telle critique ne me paraît pas fondée.
En effet, les conseillers référendaires sont recrutés sur concours organisé par la Cour Constitutionnelle et nommés par son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’État, conformément à l’article 8 de l’ordonnance n°16/070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour Constitutionnelle alors que les membres des cabinets des juges sont eux, plutôt nommés, sur proposition de chaque juge, par décision du Président de la Cour conformément à l’article 32 alinéa 1er du règlement de la Cour, de sorte qu’il y a deux expertises à savoir celle des conseillers référendaires telle que prévue par la loi et celle des membres des cabinets des juges à la Cour Constitutionnelle telle que prévue par le règlement sans, pour autant, que les deux expertises indispensables ne puissent s’exclure ou s’opposer car toutes deux concourent à une seule et même finalité à savoir l’étude et la préparation technique des dossiers soumis à la Cour.
Il me parait donc évident au regard, d’abord des dispositions de la loi organique de la Cour, ensuite de l’ordonnance présidentielle portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour et enfin, des dispositions du règlement de la Cour, que la mission d’étude et de préparation technique des dossiers revenant aux conseillers référendaires est assignée par une loi et que la même mission est aussi confiée aux membres des cabinets des juges par un règlement.
C’est autant dire que la mission d’étude et de préparation technique des dossiers soumis à la Cour est accomplie par les conseillers référendaires du fait de la loi et par les membres des cabinets des juges à titre supplétif du fait du règlement.
Tout en relevant que le recrutement des conseillers référendaires tarde à venir depuis que la Cour Constitutionnelle a été installée, ce qui est fort dommage, il faut en même temps reconnaître avec honnêteté que l’installation du corps des conseillers référendaires exige un budget conséquent. Il revient donc au Gouvernement de la République de mettre à la disposition du Conseil supérieur de la magistrature le budget nécessaire aux fins de lui permettre de pourvoir à cette exigence de la loi.
Ainsi, et pour l’avenir, il est souhaitable d’organiser le concours de recrutement de soixante (60) Conseillers référendaires dont trois quarts au moins doivent être des juristes, concours pour lequel le législateur congolais a prévu les conditions de nomination aux articles 22 et 23 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle à savoir :
Nul ne peut être nommé conseiller référendaire s’il ne réunit les conditions suivantes :
- être de nationalité congolaise ;
- être titulaire d’un diplôme de licence en droit au moins (aujourd’hui de master) ou d’un diplôme équivalent ;
- être de bonne moralité ;
- justifier d’une expérience professionnelle de dix (10) ans au moins dans le domaine juridique, administratif ou politique ;
2) Dans la catégorie des non juristes :
Nul ne peut être nommé conseiller référendaire s’il ne réunit les conditions suivantes :
- être de nationalité congolaise ;
- être titulaire d’un diplôme de licence au moins (aujourd’hui de master) ou d’un diplôme équivalent ;
- être de bonne moralité ;
- justifier d’une expérience de quinze (15) ans au moins dans le domaine politique ou administratif.
En tenant compte de ce mode de désignation et de nomination des conseillers référendaires, il y a lieu de dire que leur recrutement sur concours prévu à l’article 24 de la loi organique de la Cour sous-entend une rigoureuse sélection pour ne retenir que les plus méritants qui, une fois nommés par son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, seront soumis au statut des membres de la Cour dès lors que les dispositions de l’article 13 alinéa 3 de la loi organique de la Cour s’appliquent à eux mutatis mutandis tel qu’indiqué à l’article 25 de la même loi.
Ainsi, le recrutement sur concours des conseillers référendaires s’avère être une impérieuse nécessité afin d’assister les juges à la Cour Constitutionnelle dans l’étude et la préparation technique des dossiers car dans la onzième fable du Livre II de JEAN DE LA FONTAINE, le LION et le RAT, ne dit-on pas que l’on a souvent besoin d’un plus petit que soi.
En tout état de cause, il ressort de l’exposé des motifs de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour que celle-ci, entendue la Cour, « bénéficie de l’expertise des conseillers référendaires » (Journal officiel n° spécial, 54ème année, du 18 octobre 2013), autant, il ressort de l’article 5 du règlement de la Cour que le corps des conseillers référendaires est l’une des structures de la Cour Constitutionnelle, ce qui consacre son importance (Journal officiel n° spécial, 59ème année, du 16 novembre 2018).
Il reste bien entendu que la Cour peut aussi recourir à l’expertise nationale ou internationale conformément à l’article 26 de la même loi.
A mon avis, le corps des conseillers référendaires sera donc utile à la Cour, autant le sont les membres respectifs des cabinets des juges, dans la mission de dire le droit et dans le travail au quotidien des juges car la raison de la création de ce corps par le législateur congolais lui-même me parait fondamentale.
Madame et messieurs les juges, ne pas installer le corps des conseillers référendaires serait, dans une certaine mesure, méconnaitre la volonté du législateur congolais surtout que, comme dit précédemment, les membres des cabinets des juges ne sont pas à confondre avec les conseillers référendaires, qui sont tous, les uns et les autres, au service de la même Cour pour leur expertise utile car dit, un proverbe, une main lave l’autre main, les deux mains lavent le visage. [Tiré du proverbe Kurde qui dit : La main lave la main, les deux mains lavent le visage].
Enfin, et pour clore mon propos, je suis d’avis que si le corps des conseillers référendaires n’était pas nécessaire, le législateur congolais ne l’aurait pas créé, à moins qu’il ne soit déjà condamné à disparaître avant son installation car on ne crée pas ce qui est inutile.
Pour toutes ces raisons et considérations, je plaide pour le recrutement sur concours des Conseillers référendaires et pour la reprise des travaux par votre Cour.
J’ai dit et je vous remercie.
Fait à Kinshasa, le 21 octobre 2023
Bâtonnier National Michel SHEBELE MAKOBA