MOT DE CIRCONSTANCE À LA SÉANCE INAUGURALE DE DE LA JOURNEE NATIONALE DU BARREAU à MBUJI-MAYI
Mes premiers mots seront ceux de remerciements adressés à Monsieur le Bâtonnier du Barreau du Kasaï Oriental pour m’avoir invité à cette cérémonie qui augure la célébration de la journée nationale du barreau congolais qui aura lieu ce jeudi 10 juillet 2025, et à travers lui, les membres du Conseil de l'Ordre et tous les avocats de son barreau pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé.
J’exprime également mon admiration à l’égard du Bâtonnier du Barreau du Kasaï Central ainsi qu’à sa délégation, pour s’être joint à cette cérémonie en dépit de ses charges ordinales dans le ressort de son barreau.
Je ne suis pas seul. Je suis accompagné de ma délégation qui est composée de :
1°. Maître Marie Thérèse KENGE NGOMBA TSHILOMBAYI, Avocate à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat, Doyenne du Conseil National de l'Ordre et Trésorière Nationale Adjointe ;
2°. Maître Défi Augustin FATAKI WA LUHINDI, Avocat à la Cour de Cassation et au Conseil d'Etat, et Président de la Commission des Recours et Contentieux ;
3°. Bâtonnier Nicostrate NYEMBO AMUMBA, Avocat à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat, Secrétaire National de l'Ordre ;
4°. Maître Boniface KABANDA MATANDA, Avocat à la Cour de Cassation et au Conseil d'Etat, Président de la Commission d’Études, Recherches, Information, Documentation et Publications ;
5°. Bâtonnier Jacques ZAKAYI MBUMBA, Avocat au Barreau du Kongo Central et Secrétaire National Adjoint ;
6°. Bâtonnier Dominique KAMBALA NKONGOLO, Avocat aux Barreaux du Kasaï Central et du Haut Katanga, Président de la Commission des Relations Extérieures et Administration, chargé de l’Informatisation des Services de l’Ordre National des Avocats et du Patrimoine, et Directeur de cabinet du Bâtonnier National.
Après cette séance inaugurale, je vais livrer quelques modules de formation en déontologie à l’intention des avocats réunis en ce lieu.
En attendant, et pour ce 57ème anniversaire du barreau congolais qui a atteint l’âge de sa maturité, permettez-moi, d’adresser un message aux avocats des différents barreaux de notre pays quant à la mission de l’avocat dans la société et surtout quant à la bonne compréhension et la portée réelle de la notion « d’activités de l’avocat dans l’exercice de sa profession » et ce, dans le seul souci de garantir un exercice professionnel apaisé.
L’avocat dont il est ici question est celui d’hier, d’aujourd’hui et de demain en tant que technicien du droit.
Hier, l’avocat était dans un barreau de petite taille et était connu de son propre Bâtonnier et de ses confrères car les avocats des différents barreaux se connaissaient presque tous à cause de leur petit nombre et se surveillaient mutuellement.
Aujourd’hui, l’avocat évolue dans un barreau de grande taille dans lequel la surveillance de l’exercice professionnel est devenue difficile.
Demain, l’avocat ne sera, sans nul doute, que le reflet de celui d’aujourd’hui.
Il faut vite rappeler que les avocats exercent librement leur ministère mais sous réserve de leur soumission aux lois et règlement, et du respect des règles propres à la déontologie de leur profession.
Quant à la mission elle-même de l’avocat, celle-ci consiste à assister ou représenter les parties, postuler, conclure et plaider devant les juridictions, outre consulter, conseiller, concilier, rédiger des actes sous seing privé, assister ou représenter les parties en dehors des juridictions. Ainsi, les activités professionnelles de l’avocat sont judiciaires, d’une part, et juridiques, d’autre part.
Il se fait que dans sa fonction et l’exercice de sa profession, l’avocat assume des obligations de conscience, de probité, de dignité, de science, de diligence et des soins particuliers. C’est à ce niveau que le problème se pose. Comment demeurer dans les limites de l’exercice de la profession ? Quelles sont les activités qui sont permises à l’avocat et celles qui lui sont interdites ? L’avocat est-il devenu « un véritable touche-à-tout de génie » comme l’était Voltaire qui excellait avec brio et un esprit vif dans de nombreux domaines, allant de la littérature et du théâtre à la philosophie et à l’histoire, en passant par la politique et la critique sociale ?
Deux cas à titre illustratif :
Le cabinet est-il une agence de voyage ?
Le cabinet est-il une agence en douane ?
La réponse à ces différentes interrogations n’est pas aisée car il n’existe pas d’énumération limitative des activités dévolues à l’avocat. Le champ d’activités de l’avocat est vaste et diversifié, et embrasse aussi plusieurs domaines du droit.
Cependant, les questions posées, loin d’être une quadrature du cercle, peuvent recevoir une approche technique de réflexion en termes de réponse.
En effet, demeurer dans l’exercice de la profession c’est rester, en toutes circonstances, fidèle aux principes et aux règles qui régissent le métier d’avocat, ce qui implique le respect de la déontologie qui encadre le comportement de l’avocat.
Autrement dit, dans la défense des droits et libertés d’autrui, l’avocat doit éviter de se livrer à des activités qui ne cadrent pas avec sa mission telle que précisée à l’article 1er de l’Ordonnance-Loi n°79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau.
Quelle serait alors l’unité de mesure ou mieux quelle serait la ligne de démarcation entre les activités qui rentrent dans l’exercice de la profession d’avocat et celles qui en sont exclues ? Y a-t-il une ligne rouge qui soit visible et lisible ? L’avocat peut-il accepter ou exercer toutes sortes d’activités pourvu que celles-ci soient payantes ? Ne doit-il pas procéder à un tri entre celles qui sont permises et celles qui sont interdites ?
À mon avis, il suffit de vérifier non seulement ce que la déontologie interdit mais aussi tout ce qui est interdit par les lois de notre pays, et mieux, toute activité qui serait illicite. L’avocat se livrera aux activités permises par la loi ou même par voie réglementaire, et s’abstiendra de toute activité prohibée. L’attention de l’avocat devrait donc être beaucoup plus dirigée et concentrée sur les prohibitions faites par la loi afin de les éviter dans l’exercice de sa profession.
Ainsi, demeurer dans l’exercice de la profession, c’est accomplir la mission que la loi a confiée à un avocat par exclusion de toute activité illicite. L’avocat devra donc s’interroger en permanence sur ce qu’il peut faire et surtout sur ce qu’il ne doit pas faire.
Il revient donc à chaque avocat, au regard de son serment, d’avoir une conscience lucide, guidée et éclairée pour ne conseiller ou défendre une cause que dans les limites de ce qui lui est permis. En cas d’un quelconque doute, l’avocat n’hésitera pas de s’en référer à son Bâtonnier quelles que puissent être les difficultés rencontrées. Il s’agit ici de l’exigence du respect de la sphère de compétence de l’avocat qui est celle de son expertise. L’avocat n’est pas un expert en tout. En tout état de cause, l’avocat ne doit jamais aller au-delà de sa fonction.
Mon message de ce jour est donc celui d’inviter tous les avocats de nos barreaux à demeurer dans le cadre de l’exercice de la profession en évitant toute activité étrangère à leur mission dans le seul but de respecter « l’étendue de la compétence matérielle de la fonction de l’avocat » telle que rappelée dans l’exposé des motifs de l’Ordonnance-Loi portant organisation du barreau.
Le strict respect de l’étendue de la compétence matérielle des activités de l’avocat est donc l’essentiel de mon message rappelé dans cette brève communication.
L’avocat devra adopter une démarche toujours principielle c’est-à-dire celle qui soit conforme aux principes qui régissent et gouvernent sa profession en ayant à l’esprit que son champ d’activités professionnelles est entouré d’une haie de fil de fer barbelé symbolisant les interdits qu’il ne doit jamais franchir, de sorte que ces interdits constituent pour lui, en réalité, un bouclier protecteur, une lampe témoin qui sert de signal visuel d’alerte et de contrôle de ses activités en le mettant à l’abri de tout ennui dans l’exercice de sa profession tout en lui indiquant le bon chemin à suivre pour ne pas se perdre et ce, nonobstant le caractère libéral de l’exercice de sa profession.
Puisse ce message, parfois oublié, attirer, dans l’avenir, la particulière attention de chacune et de chacun de nous pour un exercice professionnel apaisé garantissant un équilibre entre la vie professionnelle et la recherche légitime du bonheur personnel de l’avocat.
Que vive le 57ème anniversaire du barreau congolais ;
Que vive le Barreau du Kasaï Oriental ;
J’ai dit et je vous remercie.
Mbuji-Mayi, le 8 juillet 2025
Bâtonnier National SHEBELE MAKOBA Michel